Il demeure de son époque, proche de Comte par son moralisme sa façon de réifier et même de déifier la société : "Entre Dieu et la Société, il faut choisir. [...] Ce choix me laisse assez indifférent, car je ne vois dans la divinité que la société transfigurée et pensée symboliquement".
Il faut en revanche insister sur le modernisme de ses conceptions scientifiques.
On doit à Durkheim le premier effort conscient et réussi pour allier théorie sociologique et recherche empirique. En effet, après la publication en 1895 des Règles de la méthode sociologique, Durkheim fait paraître en 1897 une étude sur Le suicide qui illustre sa méthode.
Les volontés individuelles sont insuffisantes à expliquer ces lois qui traduisent la régularité de certains évènements, comme le suicide. Il faut admettre que des forces extérieures impersonnelles agissent, qu'il existe donc bien des phénomènes sociaux. C'est le propre de la sociologie de les étudier, d'observer les habitudes collectives et leurs représentations.
On imagine l'effet que pouvait produire en 1895 une démonstration de ce genre. Si elle enthousiasmait les esprits scientifiques, désireux de démontrer la mécanique sociale, comme celle des planètes ou des fluides, en relègant sorciers et soutanes, quelle pouvait être la réaction de l'homme, même sans parti pris, pour lequel la décision de vivre ou de mourir représentait l'action la plus personnelle et la plus libre que l'on puisse entreprendre. Les lois de la physique sont extérieures, elles nous conditionnent seulement matériellement, il est plus facile de s'en accomoder. Mais ces impondérables lois sociales, fabriquées par nous-mêmes à notre insu, qui nous détermineraient sans que nous le sachions... comment en accepter l'idée ?
On a de nombreuses preuves et les réflexions de Durkheim lui-même sur l'inflence qu'exerça sur lui C. Bernard. Pourtant celui-ci mourut en 1878, l'année même de la naissance du sociologue et sa notoriété n'était en rien comparable à celle de Pasteur. Pourquoi Pasteur n'a-t-il pas lui aussi, par ses recherches empiriques, intéressé Durkheim ? D'abord une opposition sociale et pschologique explique cette distance. Pasteur est un catholique pratiquant, ambitieux, conservateur, cultivant ses relations et sa popularité. Durkheim, un juif, socialiste, et ce qui ne facilitait pas les échanges, tous deux également austères, convaincus et entêtés. Mais plus que ces traits de personnalité, leurs objectifs scientifiques les opposaient. Pasteur s'intéressait à la microbiologie et poursuivait des résultats pratiques, limités à un domaine précis, "un symptôme, un microbe, un vaccin" disait-on. Au contratire, Durkheim trouvait chez C. Bernard, toutes proportions gardées, un objectif semblable au sien. Tous deux entreprenaient des recherches emiriques rigoureuses, mais avec la même ambition de généraliser les résultats, pour C. Bernard aux grandes fonctions de l'organisme, pour Durkheim, la société tout entière.
C'est chez C. Bernard que Durkheim trouvera la solution ou du moins la confirmation de la vérité qu'il apporte aux problèmes délicats de la sociologie : l'incontournable question des rapports de l'individu et de la société, des parties et du tout, du déterminisme et de la liberté, enfin de la psychologie et de la sociologie. "Il y a entre la psysiologie et la sociologie, la même solution de continuité qu'entre la biologie et les sciences physico-chimiques" écrit-il. Si la sociologie se heurte à des difficultés propres aux sciences sociales, la solution est la même : "l'origine première de tout processus social de quelque importance doit être recherchée dans la constitution du milieu social interne [...]. L'effort principal du sociologue devra donc tendre à découvrir les différentes propriétés de ce milieu."La notion de milieu interne, avec tout ce quelle implique est une création de C. Bernard que Durkheim s'approprie. De même que pour le physiologiste, les organismes élémentaires ne peuvent survivre séparés de mer environnement, l'individu ne peut se concevoir hors de la société dont il fait partie, au sein de diverses consciences collectives (morales, familiales, religieuses, juridiques) au mileur desquelles il a grandi et dont l'étude forme le champ de la sociologie. L'anomie est bien le preuve de la nécessité pour la liberté de l'être humain d'une subordination de l'individu à l'ensemble social. "Comme chez C. Bernard, l'autonomie et la subordination doivent être pensées ensemble".
A la question fondamentale de la sociologie, comment une somme d'individus peut-elle former une société ? Durkheim répondra : par la solidarité, élément commun à toute existence sociale. S'opposant à Spencer qui considérait deux types de société possibles sans rapports entre eux, ils distingue la solidarité mécanique dans les société à conscience collective forte et la solidarité organique dans les sociétés complexes, où, sous l'influence de la division du travail, la complémentarité unira des parties : les individus et des intérêts interdépendants.On trouve déjà dans la division du travail social des idées fondamentales que Durkheim explicitera dans la suite de ses oeuvres. La conscience collective est "l'ensemble des croyances et des sentiments communs à la moyenne des membres d'une société." Cet ensemble forme un "système déterminé qui a sa vie propre". Durkheim affirme ensuite la priorité de lasociété, de la structure sociale, du tout sur les parties : les individus, les phénomènes individuels.
La première question posée par Durkheim est celle-ci : peut-il exister une science appelée sociologie comme il existe une science physique ?
A quelles conditions peut-on parler de sciences ? Lorsqu'i y a un objet et une méthode scientifiques, c'est-à-dire la possibilité de relier les faits entre eux. D'où deux questions : y a-t-il un domaine, un objet, des faits sociaux spécifiques ? Y a-t-il une méthode scientifique applicable à cet objet ?
Admettre des faits sociaux spécifiques, c'est prendre
une position anti-psychologiste et reconnaître que les phénomènes
collectifs sont autre chose qu'une simple addition de réactions
individuelles.
Non content de découvrir ces faits sociaux, Durkheim
ajoute que leur caractéristique, ce qui permet de les reconnaître,
c'est la contrainte : "les faits sociaux
consistent en des manières d'agir, de penser et de sentir extérieures
à l'individu et qui sont douées d'un pouvoir de coercition
en vertu duquel ils s'opposent à lui [...] Un fait social se reconnaît
au pouvoir de coercition externe qu'il exerce ou est susceptible d'exercer
sur les individus."
Les institutions constituent cet ensemble d'actes et d'idées que les individus trouvent en naissant, qui sont antérieures à chacun et qui s'imposent à tous, mais elles vivent, se transforment. La sociologie a pour but de les étudier. L'éducation est l'opération par laquelle l'être social est surajouté à l'enfant et l'adapte à cette contrainte qu'exerceront sur lui les institutions.
La fondation de L'année sociologique en 1898, deux ans après l'Américan Journal of Sociology) a permis le contact entre sociologues d'horizons divers et la publication de nombreuses recherches, en particulier d'ethnologie.Mais l'impérialisme de Durkheim qui visait le regroupement de toutes les sciences sociales sous la protection de la sociologie, irritant les économistes et les historiens. Enfin son esprit dogmatique, moralisateur, et, c'est à un anglais de s'en pplaindre, totalement dépourvu d'humour, ne facilitait pas l'acceptation de tendances scientifiques, qui heurtaient un grand nombre de ses collègues.
L'infleunce directes de Durkheim après la dispatition
de ses disciples subit une éclipse. Elle se fera à nouveau
sentir en France par le détour des Etats-Unis, dans la recherche
d'une réflexion théorique plus scientifiques.
Parmi les sociologues français de cette époque,
il faut encore citer Levy-Brühl
(1857 - 1939). Sans être en opposition réelle avec Durkheim,
il représente un courant de pensée différent, opposé
à toute tendance moraliste.
Parmi les durkheimmien : Halbwacks s'est intéressé aux problèmes des classes sociales, des niveaux de vie, à la mémoire collective,. Marcel Granet à la pensée choinoise, Simiand est l'auteur d'un ouvrage sur le salaire.
Sources